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P'T-Rex | Repenser l’urbanisme écologique par l’analyse historique

P'T-Rex | Repenser l’urbanisme écologique par l’analyse historique

L’adage « C’était mieux avant » est-il exclusivement un mauvais argument démagogique ? En urbanisme, ceci n’est peut-être pas si clair : l’histoire nous enseigne à la lumière des catastrophes environnementales, démocratiques et sociales contemporaines que nous serions parfois bien inspiré.es de regarder derrière nous.

L’histoire est enseignée pour nous rappeler les erreurs du passé. Malheureusement, il est rare de voir intégrée à l’histoire une quelconque dimension écologique. Il s’agirait pourtant d’un moyen de lutter contre notre amnésie écologique collective (voir L’amnésie écologique : ce mal silencieux qui se transmet de génération en génération, Usbek et Rica, novembre 2023). Cette amnésie écologique, définie comme le décalage générationnel dans notre perception de l’écosystème vécu, est un risque majeur d’inaction dans notre lutte contre la crise écologique actuelle.

En effet, la mémoire des pratiques urbaines et des paysages associés met en lumière les transformations parfois brutales et malencontreuses de nos villes. Elle permet de retrouver du sens dans notre façon d’organiser, de modeler notre paysage urbain, mais aussi de renoncer à prendre toujours plus de place. Il s’agit de se remémorer l’usage des sols à travers les tracés historiques, vestiges des fonctionnalités passées de nos paysages, nos vallées, nos cours d’eau, qui dessinent nos bassins versants et leur biorégion. Patrick Henry (Des tracés aux traces : Pour un urbanisme des sols, 2023), définit ainsi le parcellaire comme « un élément susceptible de conserver des formes d’occupation des sols ». Sa pérennité serait ainsi le fondement de la « mémoire urbaine nous permettant d’envisager l’avenir d’une ville se recomposant sur elle-même ». Il faut selon lui sortir du présentisme qui justifierait « l’inutilité du passé pour penser le présent ».

Il semble alors juste d’envisager l’histoire écologique d’un site comme une composante essentielle du projet. En effet, elle peut tout aussi bien souligner les fonctions écosystémiques des sols, tout comme la présence passée de l’hirondelle dans le périurbain, qui ne peut aujourd’hui plus se nicher et est vouée à disparaître (voir Est-ce qu’un jour l’hirondelle pourrait ne plus faire le printemps ? INA, novembre 2023).

L’historien.ne, par son travail d’enquêteur.ice opiniâtre, nous invite à esquisser une modification de nos méthodes de diagnostics urbains. Concrètement, il nous invite à suivre deux chemins complémentaires :

- l’historicisation de nos diagnostics écologiques, en cherchant à mettre en lumière l’évolution des conditions de vie et d’habitabilité d’un site pour le vivant au sens large ;

- l’écologisation des diagnostics urbains ou historiques, en soulignant le lien culturel entre patrimoine urbain et habitats écologiques ou en tissant des liens entre l’humain et sa biosphère environnante ;

Ces deux voies déjouent notre amnésie écologique et nous orientent vers une approche moins anthropocentrée de la place de la nature en ville.

L’application de cette méthode est plurielle. On peut citer les friches qui, nourries par leurs passés productifs ou agricoles, deviennent de nouveaux terrains d’expérimentations. Elles doivent être repensées à travers le prisme du système biologique complexe. Ces questions vivent dans nos missions : à Bongraine, dans la commune d’Aytré, la maîtrise d’œuvre urbaine que nous pilotons jongle entre dépollution, sanctuarisation, préservation et renouvellement urbain. 

Dans un milieu plus urbain, au sein du campus universitaire de Toulon, les études urbaines ont mis en avant le déjà-là, vestige du passé et de la fonction paysagère de cette zone patrimoniale. A partir de la topographie et de la géologie particulières du site, il est question de renaturer un ru qui a pendant longtemps fait office d’égout. Cette re-fonctionnalisation a pour but de revaloriser l’ensemble des qualités écologiques, et notamment d’habitabilité (au sens large du terme) du site. 

Nous en sommes encore aux prémices d’une réconciliation entre l’urbaniste-écologiste et l’historien.ne, mais il nous semble en tout cas que la bifurcation écologique ne doit pas nous empêcher de regarder régulièrement dans le rétroviseur.

  

P'T-Rex | Repenser l’urbanisme écologique par l’analyse historique

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